Quand des cinéastes et des psychanalystes se rencontrent en 2025

 



photo Sandrine Jousseaume


Quand des cinéastes et des psychanalystes se rencontrent en 2025

 

Cette année 2025 l’Association de la Cause freudienne à Angers a reçu Ariane Labed réalisatrice de September and July et Lawrence Valin réalisateur de Little Jaffna.

 

Dominique Fraboulet (DF) : Comme aime à le répéter Claude Eric Poiroux Premiers Plans c’est les premières fois, alors c’est quoi pour vous la première fois ?

Ariane Labed (AL) : Alors moi j’ai du mal à me dire que c’est mon premier film. En tant qu’actrice j’en ai fait plein. Je fais du cinéma depuis l’âge de 26 ans. J’étais là pour mon premier film en tant qu’actrice. Donc pour moi c’est une suite logique. J’ai pas le grand frisson de la première fois. Je m’expose plus avec mon premier long métrage. J’ai déjà eu cette expérience avec mon premier court. C’est toujours une première fois, on a toujours aussi peur, on prend des risques, c’est toujours un éternel recommencement, c’est comme ça que je le vis.

DF : La première fois, c’est la première rencontre avec le cinéma. Étant enfant quel a été le premier souvenir de cinéma ?

AL : Moi c’est l’Ours de Jean-Jacques Annaud. J‘ai regardé cinq minutes et je suis sortie en larmes. J’avais cinq ans. C’était une expérience hyper traumatique. Je ne faisais pas du tout la différence entre fiction et réalité et la maman ours était vraiment morte et c’était la fin du monde.

Lawrence Valin (LV) : Ce film je l’ai vu non pas comme une première fois mais comme une dernière fois. Car quand on dit première fois ça met la pression et je n’en avais pas envie. Donc je me suis dit que c’était peut-être la dernière fois donc je me suis amusé sur ce film.

La première fois au cinéma, c’est avec ma mère pour voir Titanic. Quand il y avait des scènes un peu osées à la télévision ma mère changeait de chaine, là elle ne pouvait pas. J’avais la bouche ouverte et je me suis dit c’est donc ça. Ouah ! C’est peut-être ça ma première fois.

DF : En français première fois équivoque avec première rencontre amoureuse et suivant qu’elle est bonne ou mauvaise ça peut être traumatisant et changer une vie.

DF : Vous avez été tous les deux acteurs et réalisateurs et même Lawrence vous avez été plus loin puisque vous avez été et réalisateur et acteur dans votre propre film.

Je voulais vous questionner sur le regard car Hitchcock dont on a passé le film fenêtre sur cour disait que le cinéma est l’art de manipuler le regard. Alors le regard est-il le même suivant qu’on est acteur ou suivant qu’on est réalisateur. Qu’est-ce qu’il y a de différent dans ces deux regards. Et je poserais aussi la question à Gérard en tant qu’il est psychanalyste, qu’en est-il du regard pour le psychanalyste ?

 

LV : Pour moi, quand on est comédien et qu’on joue, on a besoin de regarder le réalisateur pour savoir si c’est bien ou pas si on est dans le droit chemin ? Puisque j’étais à la fois réalisateur et acteur, c’était difficile. Alors j’ai pris un coach pour moi et dès que la prise était finie, avant de regarder le chef op ou la script, je sautais sur le coach pour savoir si j’étais bien, pour me donner des indications si je pouvais aller plus loin. C’est comme ça que je déguisais mon regard d’acteur par rapport au réalisateur, c’est un peu shizophrénique. Avant d’arriver sur le plateau je me prépare en amont en tant que comédien dans le rôle, je ne viens pas en tant que Lawrence Valin réalisateur mais en tant que Michael. Je reste pareil du début à la fin, et en post production je parle de moi à la troisième personne. Ce qui me permet de me dédoubler.

AL : C’est risqué de dire ça devant des psychanalystes !

LV : J’avais un vrai désir de regarder et plus d’être regardée, de construire mon propre regard pour l’offrir au spectateur. Je suis très attachée au regard féminin tel qu’il a été théorisé par Iris Brey. Faire des films c’est aiguiser ce regard-là, qui est féminin puisque je suis femme, et que j’ai envie de le travailler.

Gérard Seyeux (GS) : Nous appartenons à une école de psychanalyse, l’école de Lacan qui a conceptualisé les objets "a" qui sont des objets pulsionnels qui poussent à quelque chose et qui sont cause du désir.

Pour le psychanalyste, le regard est un des quatre objets pulsionnels à côté de la voix, les fèces et la pulsion orale. Ces objets sont cause du désir. C’est le désir qui est important.

Alors pour vous, qu’en a-t-il été de votre désir de cinéma dans tout ça ? d’où ça sort ?

LV : Pour moi c’est un manque de représentation. J’ai grandi en regardant les films du dimanche soir avec Alain Delon et Jean Paul Belmondo et je voulais être comme eux. Mais avec ma couleur de peau est-ce que j'allais pouvoir être acteur dans le cinéma français ? En fait c’est compliqué. Quand je deviens comédien, tous les rôles qui s’offrent à moi sont des rôles clichés quelques soient mes origines. Donc c’est ce désir-là de représentation, de montrer des nouveaux visages dans le cinéma français, qui m’a poussé à faire du cinéma. Si on n’a pas de modèles on se dit que ce n’est pas grave, on va les créer nous-mêmes. Pour moi c’était ça ma démarche.

AL : Moi aussi c’est créer ce qui m’a manqué comme modèle qui m’a poussé à faire le film que j’avais envie de voir. Même si je suis actrice et réalisatrice blanche, c’était important pour moi que mes actrices principales ne soient pas blanches. La représentation dominante dans ce monde de dominants écrase et on a besoin d’autres représentations.

LV : C’est aussi un besoin de se sentir légitime. Tant qu’on n’a pas de représentation on a la sensation d’être des imposteurs et c’était ça pour moi le désir de cinéma, de se dire c’est possible de créer sa place.

DF : Je me souviens, Lawrence, que vous m’aviez dit lors des Ateliers : « le cinéma c’est un métier pour les riches et les blancs donc ce n’est pas pour moi ».

LV : C’est pour une élite le cinéma et je ne me sentais pas représenté dans cette élite. Les gens qui ont une couleur de peau comme moi c’est toujours pour jouer des rôles de migrants, et j’en avais marre d’être victime et sauvé. On a droit aussi d’avoir ses propres représentations, de faire des films autrement et de montrer sa propre histoire.

En tant que comédien je devais toujours justifier pourquoi je parlais bien français, Alors j’étais, soit adopté par une famille blanche, soit il y avait des trucs improbables, et tellement j’étais matrixé là-dedans qu’au moment où j’ai commencé à écrire le film, pour justifier que mon personnage a grandi dans la culture française, je lui ai inventé des parents adoptifs. Et je pars dans une résidence au Canada et une consultante québécoise me demande « toi tu as été adopté »? je dis non. « Et tu étais avec qui »? je dis avec ma grand-mère. « Et elle parlait français » ? je dis non. « Mais toi tu parles correctement français, Alors pourquoi c’est pas ta grand-mère dans le film ». Je me suis dit OK, mon personnage sera comme j’ai grandi, il n’y a pas besoin de se justifier quand je parle français ou tamoul. Quand je parle en français ou que je switche en tamoul, je voulais que ce soit normal, c’est pas le sujet du film.

GS : Ce matin, en entendant Mathieu Amalric dire « un film c’est quelque chose qu’on ne sait pas faire » j’ai pensé à la formule de Freud « il y a deux métiers impossibles : analyser et enseigner ». Est ce qu’on ne peut pas en ajouter un troisième - réaliser des films, réaliser comme un impossible ?

AL : C’est la même chose pour toutes les formes d’art. Il n’y a pas de marche à suivre, sinon on se dit qu’il y a des recettes et on s’empêche. Donc il faut accepter de se perdre, pas savoir, se tromper, écouter les autres, pas être d’accord avec les autres, suivre son instinct. Il y a toute une part dans le processus créatif qui nous dépasse on ne peut pas parler de total savoir-faire. Il y a une partie technique très lourde mais il y aussi une écriture. À la réalisation il y a toute une partie qui nous échappe et à laquelle il faut faire confiance. Personne ne sait faire des films, tout le monde essaie de faire des films.

LV : Je suis d’accord avec Ariane. Moi en tant que réalisateur je suis arrivé par défaut, C’était mon besoin d’acteur, ma soif de jouer qui m’a poussé à réaliser. Donc ce n’est pas quelque chose qui m’était prédestiné. Ce métier de réalisateur je le mettais sur un piédestal. Quand on parle de Truffaut, Hitchcock, je n’ai pas leur intelligence, leur savoir-faire. Comment vais-je faire pour raconter des films avec ma cinéphilie de films du dimanche et les films indiens que j’ai vus gamin ? À un moment donné quand on a cette nécessité, ce besoin vital qui est à l’intérieur, ce besoin de raconter ces histoires là, et que ça existe de recréer ces récits, je ne me pose plus toutes ces questions. Je me dis « j’y vais, je vais peut-être me planter mais je vais me planter avec panache ». C’est comme ça que j’avance.

GS : Vous êtes bien poussé par quelque chose. Ça évoque ce que je disais tout à l’heure sur l’objet cause du désir, quelque chose qui pousse à l’insu de votre plein gré, quelque chose qui nous échappe que nous, nous nommons l’inconscient, ce savoir qu’on ne sait pas qu’on sait mais qui est là dans ce qui échappe, dans ce qui pousse.

DF : Si on continue sur le thème de l’inconscient, je me suis demandé où était l’inconscient dans vos films, cette part de soi-même qui est là qu’on ne connaît pas et qu’on projette dans sa création. Je voulais savoir si, à travers votre métier de réalisateur, vous aviez été surpris de vous-même, de quelque chose que vous ne connaissiez pas de vous, qui arrivait là, à ce moment-là ?

GS : Un écrivain a dit « J’écris pour savoir ce qu’il y a dans mes livres ». Alors vous est-ce que vous faites des films pour savoir ce qu’il y a dans vos films ?

LV : Pour moi c’est comme une forme de thérapie. Entre mon court et mon long il y a toujours une figure paternelle et ça je ne m’en rendais pas compte et qui est inaccessible dans la vraie vie car je n’ai pas connu mon père. C’était comme une thérapie : je pouvais faire exister cette figure paternelle et la faire évoluer comme je voulais, et donc, c’était quelque chose qui n’était pas conscient. Dès l’écriture, c’était cette figure-là que j’allais chercher et ce besoin de famille. Dans mes films, souvent le personnage a un désir fort de créer une famille et c’est peut-être cela qui est de l’ordre de l’inconscient chez moi, ce désir de faire famille . Quand je le fais dans mes films, je prends énormément de plaisir à raconter ces liens humains qui se créent à travers ces bandes. J’ai grandi avec ma mère et ma grand-mère, et le père est comme un fantôme et cette figure, qui est dans le film, est aussi comme un fantôme. Je me suis construit contre ça et dans le film aussi, le personnage se construit contre cette figure- là. Dans ce premier film j’avais envie de rester très proche de ce que j’avais envie de partager avec le public et surtout de mon histoire personnelle. On m’avait dit quand tu fais un premier film reste près de toi. J’ai essayé de donner le plus proche de moi, même si je rentre dans une fiction pure et dure mais il y a beaucoup de faits qui sont inspirés du réel.

DF : On peut dire que chez vous la fonction paternelle a bien fonctionné.

LV : Il faudra demander à ma fille, celle que l’on voit dans le film. J’ai utilisé mes deux enfants. Je me suis dit que ce serait plus facile. Mais ce n’est pas une bonne idée. J’étais acteur, scénariste, réalisateur et là en plus j’étais papa et là c’était trop, trop dur.

DF : Alors que vous Ariane vous faites dire à September « ce père fouteur de merde ». Qu’est-ce qu’il en a été de cette fonction paternelle pour vous ?

AL : Je suis tiraillée. Quand je parle du père dans mon film c’est la figure du patriarcat, c’est une figure contre laquelle je suis très en colère. J’ai grandi dans une famille très traditionnelle, du moins au début, un papa, une maman, deux sœurs. Je parle de la toxicité qu’il peut y avoir dans ces liens. Je ne suis pas dans l’appel de liens dans la famille mais plutôt de l’éclatement de ces liens. La part d’inconscient qu’on découvre après coup est très drôle. J’ai découvert après avoir fait mon court et mon premier long que je refabriquais la maison de mes grands- parents et je me disais pourquoi je fais ça. Et il y a des choses que je découvre à travers le regard des spectateurs : ah oui il y a des choses qui racontent ça de moi, je n’avais pas pensé à ça, ces choses de mon inconscient qui me traversent. Mais moi j’aime bien ne pas avoir de réponses à tous mes choix, par exemple si la chef déco me propose six tapisseries, et que j’en choisis une. Mais six mois plus tard je me rends compte que ça a rapport avec la cuisine de ma grand-mère et je ne le savais pas. C’est joyeux de laisser libre cours à ça et de le découvrir plus tard. C’est pas très contrôlé tout ça, encore une fois.

GS : Votre film est composé ainsi, tout n’est pas dit et c’est semé de petits indices qui ne prennent sens que dans l’après coup. Il y a un terme en allemand Nachtraglich. Tout se construit comme ça. On a l’impression que ce sont des éléments disparates et quand on fait un retour, alors à ce moment-là, on comprend ce qui s’est passé. Votre film est construit comme cela.

AL : Très juste. Ma façon de penser, mon rapport au monde est très lié à la structure de mon film. Je ne sais pas expliquer comment, mais oui, cette boucle de scène, cette révélation tardive. Ce que j’aimerais voir en tant que spectatrice mais que je ne peux pas trop expliquer encore pourquoi.

GS : La rétroaction, ça nous tient à cœur, à nous, psychanalystes. Quand on parle, on aligne des mots et tant qu’on n’a pas le dernier mot on ne connaît pas le vrai sens de la phrase. Par exemple la table : tant qu’on n’a pas dit -table de salon- ou - table de multiplication- ou -table de logarithme- on ne sait pas de quoi on parle. Il y a toujours un effet d’après coup et je trouve que votre film est vraiment construit comme ça. Et je vais oser : vous vous appelez Ariane et vous êtes née en Grèce alors…

AL : J’ai tué le minotaure !

J’ai un amour du détail. Et comme Chantal Ackerman, l’idée que des petits gestes du quotidien puissent faire fiction me fascine. Je peux être fascinée par une tarte dans un micro-onde qui tourne, ça peut donner des idées aux filles, je trouve intéressant de regarder une jeune femme et sa mère nettoyer les toilettes en musique, voir une serviette hygiénique dépasser d’une culotte, voir ce qui se cache dans les fictions au cinéma habituellement, ce sont des détails. On révèle tardivement mais les indices ont été mis tout au long du film.

GS : Dans le film de Lawrence aussi. On croit comprendre qu’il est policier mais on n’en est pas sûr, il y a des indices et c’est évoqué, il y a une ambiguïté du personnage qui est révélé à la fin.

LV : Je donne des petits morceaux et c’est comme des petits tableaux qui se suivent et on essaie de déchiffrer qui est ce personnage-là. C’est des bouts de peau avec cette double incarnation avec son vitiligo et je donne des petites informations sans donner trop. C’est important pour moi. Quand il mange avec sa fourchette alors que les autres mangent avec les doigts, ce sont des moments précieux car ce sont des petits gestes où on voit que le personnage bascule dans sa famille d’origine. Quand on rassemble ces petits détails-là, on voit qu’il a basculé depuis un moment. Manger avec ses mains dans la culture tamoule c’est respecter la nourriture et ici « mange avec ta fourchette on n’est pas chez les sauvages ». Un double regard que j’essaie de mettre dans le film, infiltrer tout le long du film des indices qui ne sont pas l’histoire principale mais qui donnent son identité.

DF : Au premier regard, surtout quand on voit les bandes annonces, on a l’impression que vous êtes complètement opposés l’un et l’autre. Il y a un film très masculin, celui de Lawrence, et vous Ariane, plutôt du côté féminin. Mais dans la relation entre les deux sœurs il y a une extrême violence dans cette emprise de l’une sur l’autre et vous, Lawrence, votre personnage est très ambivalent, signifié par le vitiligo mais aussi par toutes ses failles qui sont en lui. Et donc la première idée se retourne. Qu’en pensez-vous ?

AL : J’ai envie de répondre avec beaucoup de joie. C’est la preuve que la psychanalyse devrait intégrer qu’il n’y a pas de binarité et que les choses sont beaucoup plus fluides que le masculin et le féminin. On est enfermé, dans nos sociétés, dans des schémas très néfastes qui ont à voir avec le féminin -la douceur- et le masculin -la violence. La violence appartient aussi au féminin et la douceur au masculin. Ce sont des choses que j’ai très envie de dynamiter. Je trouve que la psychanalyse est encore très ancrée dans ce qui est le féminin et le masculin, binaire et archaïque.

GS : On peut faire un petit excursus. Ce sont deux catégories qui ne sont pas référées à la biologie et qui sont plutôt référées à un mode de jouir qui n’est pas le même chez les hommes et chez les femmes, à la façon dont on éprouve le corps, comment on se sent dans le corps. Les hommes sont empêchés et les femmes ont un plus de jouissance. Il y a quelque chose de plus étendu chez les femmes que chez les hommes, d’expérience dans le corps effectivement physique mais aussi expérience de jouissance de la parole ou du regard et cela va au-delà des catégories biologiques homme-femme, ce n’est pas référé à cela. Et c’est singulier à chacun.

DF : C’est une façon d’être au monde qui n’est pas portée par le réel des chromosomes ni par l’image qu’on donne. C’est autre chose, une autre façon d’être au monde. Donc on parle du féminin et du masculin mais le féminin peut être porté par un corps d’homme comme Saint Jean de la Croix qui était un mystique et que Lacan place du côté féminin. Alors que des femmes peuvent supporter une présence au monde qui est très masculine, assez limitée. La présence féminine va au-delà de tout ça. Lacan disait la femme est folle, pas toute folle, elle n’est pas folle du tout. On peut penser la fluidité et ce n’est pas fixé une fois pour toujours.

GS : Les femmes sont comptées plutôt du côté du plus. Pas les femmes, le mode féminin est du côté du plus par rapport au mode masculin.

AL : Il y a toute une partie que je ne comprends pas et qui me parait bizarre.

 JLH : Vous empruntez à l’histoire du cinéma, à la littérature et vous faîtes un film très personnel. Comme spectateur on est dans une situation intranquille tout le temps et je me suis demandé pourquoi. Je pense que vous objectez aux spectateurs que nous sommes, qui réclament du sens. Là, on n’a pas ça, on est privé de sens. Je me pose la question du " hors-sens " en tant que ce serait quelque chose qui existe vraiment, mais qu’on ne peut pas dire. Dans votre film il y a quelque chose comme ça. Vous travaillez dans ce sens-là avec les moyens du cinéma.

 AL : Je ne connais pas la notion de  " hors sens " mais je crois que mon film est personnel en ça. C’est mon regard sur le monde que vous ressentez. Pour moi je vous avoue que peu de choses font sens. Aussi, je vous propose peut-être de voir le monde tel que je le perçois. Je ne trouve pas que mon film fasse moins de sens que tout ce qui se passe en ce moment où le film a un début, une fin et heureusement l’héroïne est sauvée par le héros, des choses que je trouve absurdes, qui n’ont aucun sens, que je vois en permanence sur le netflix dans des films d’auteurs français et ça ça ne fait pas sens pour moi. Donc ce que je propose au spectateur c’est ma forme de mon rapport au monde intime ; pour certains cela n’a aucun sens et pout d’autres cela a un sens. Je ne peux pas avoir le contrôle de ça. Moi, je me retrouve trop souvent dans des moments où je ne comprends pas et dans mon film je me sens chez moi.

 GS : C’est ça. Chacun essaye de construire quelque chose pour se débrouiller avec ça, ce qu’on ne comprend pas, ce qui n’a pas de sens et qu’on a quand même à se coltiner. Votre façon à vous c’est ce que vous venez d’expliquer.

 Et vous Lawrence je ne sais pas comment vous vous débrouillez avec ça ?

 DF : Merci Beaucoup Ariane. Vous devez vous en aller,

 GS : Vous essayez de vous débrouiller avec ce qui n’a pas de sens, c’est-à-dire la violence de la répression au Sri Lanka, cette nécessité de migrations, ce qui se passe dans cette communauté d’immigrés à Paris. Vous témoignez de ça.

 LV : C’est une réalité dans laquelle j’ai grandi et qu’il était important pour moi de mettre en lumière.

 GS : Mais quel sens ça a ? C’est une question vaine mais c’est plutôt comment on se débrouille avec ça.

 LV : Le sens, c’est : plus on va parler d’un certain groupe de personnes qui n’a pas de place médiatique, plus on crée une place. C’est ce sens-là que j’essaie de donner à travers mon film, donner une place à ces gens pour s’exprimer. La question du masculin et du féminin sont des questionnements loin dans ma pensée. Je ne pense pas que tel personnage est masculin, tel autre féminin. Dans ma communauté, les femmes qui ont fui la guerre et qui arrivent en France sont des femmes extrêmement puissantes et solides. C’est ce que je voulais montrer dans mon film aussi, tout en voulant montrer aussi le coté très patriarcal de cette culture-là. Je ne voulais pas transposer dans une société ici. Je ne voulais pas apporter mon point de vue occidental mais la montrer telle qu’elle est, comment elle était construite. Je ne voulais pas créer des rôles pour être à la mode, ce qui aurait donné un coté opportuniste. Je voulais rester au plus près de cette communauté-là car bien que le plus grand nombre des spectateurs n’appartienne pas à cette communauté, je ne voulais pas que les spectateurs tamouls se sentent trahis en regardant ce film.

 GS : Dans votre film il y a un moment très fort. C’est la scène où Michael est attaché. On croit qu’il va y passer, il y a la menace du sabre. Lui, le policier est d’une certaine façon soumis à la question et surprise, c’est la figure du père, le père, qui se donne la mort. Qu’avez-vous voulu dire là ?

 VL : À ce moment du film, la lutte qu’a menée le parrain est terminée. Il part comme un samouraï. Il a fait sa lutte. Il a cru à un combat qui l’a emmené le plus loin possible et maintenant ce combat s’arrête. Il laisse la main à cette nouvelle génération et justement, ne pas poursuivre cette lutte et à un moment donné se dire, moi j’avais une certaine idée de la guerre, et de ce que je voulais en faire pour avoir un territoire. J’essaie de questionner cette notion-là avec le personnage du parrain.  Qu’est-ce qu’on fait quand on perd un pays, qu’est-ce qu’on devient ? Pour le personnage de Michael qui vit tout ça il y a derrière cette question : comment vivre avec les deux ? Maintenant j’ai une partie tamoule qui est là et comment j’arrive à jongler avec les deux alors que je me sentais profondément français. Dans cette lutte, ce qui était le plus important à mes yeux n’était pas d’avoir à choisir entre l’un et l’autre mais de pouvoir garder les deux et d’en faire une force. C’est ce qui se joue à ce moment-là dans cette scène.

 GS : Et avec la figure du père mort, là.

 LV : Oui j’ai vraiment un problème avec le père. Je n’ai pas encore suivi de thérapie, j’irai après.

 MCC : Hier vous nous disiez que vous aviez un goût prononcé pour le jeu d’acteur du côté du gangster ou le thriller et finalement est-ce que c’est une marque un peu particulière pour vous qui a aussi marqué ce film pour être au plus proche de cette communauté tamoule ?  Est-t-elle proche de ce côté sombre où est-ce quelque chose de plus singulier pour vous ?

 LV : Il y a une partie de la réalité qui est assez présente : c’est une communauté qui est discrète et qui ne veut pas que tout ce côté mafieux soit montré et vu. Cela m’intéressait de mélanger ces parties d’ombre et ces parties de lumière au sein d’une minorité et de donner à voir ce qu’on n’a pas envie de montrer. Je ne voulais pas faire une visite guidée touristique chez les Tamouls. Cela me permet de ne pas avoir un avis manichéen, les gentils et les méchants, mais plus profondément, d’aller questionner ce mélange.

 CB : Deux points : la question que posait Gérard de ce père qui meurt à la fin, ça me faisait penser au passage du père qui interdit au père qui autorise, qui est un moment important dans le développement…

 GS : C’est à ça que je pensais

 CB : Vous serait-il possible de revenir sur l’origine de votre désir de cinéma ? Tout à l’heure Jeanne Balibar nous disait qu’au moment même où elle avait posé le pied sur la scène du cours Florent, elle avait su immédiatement que c’était là où elle voulait être. Y-a-t-il eu pour vous un moment très précis ? Vous auriez pu aussi parler de votre histoire en étant écrivain ou peintre mais vous avez choisi le cinéma et en particulier être acteur ?

 LV : Je crois qu’à l’âge de huit ans j’avais répondu très naïvement à ma grand-mère qui me demandait ce que je voulais faire plus tard « j’ai envie d’être acteur ». Elle m’a répondu « non, non, ce n’est pas un métier pour nous. C’est un métier pour les blancs » Donc j’entends ça et je me dis OK ce n’est pas pour nous, ce n’est pas grave. Et je laisse passer ce désir. Et bien plus tard, vers l’âge de 20, 21 ans, je suis des études de management. Or quand on est manager on est amené à parler en public. On a donc des cours de théâtre. Donc une prof de théâtre me donne des cours, je fais les exercices et j’aime beaucoup ça. Je lui demande alors si on peut en faire son métier. Elle me répond que oui mais qu’il y a 0,05% de chance de réussir. Je lui repose la question : il y a 0,05% de chance de réussir ? Et là, elle me dit oui. Et le lendemain, j’arrête mes études de management et je m’inscris dans une école de théâtre et démarre mon aventure. Et c’est à 35ans que j’ai mon premier rôle dans un film français au cinéma. De 21 ans à 35 ans on peut dire que le parcours est un peu long. Mais j’étais tellement passionné par ce métier, je ne savais pas que c’était possible de le faire. À partir du moment où j’ai su que je pouvais le faire, je suis parti à fond-là dedans.

 GS : Donc c’est la contingence de la rencontre, complètement.

 DF : Vous dîtes que votre désir est plus d’être acteur que réalisateur et que vous avez été réalisateur parce que vous n’aviez pas trouvé de réalisateur qui pouvait vous faire jouer avec la peau noire. Alors vous vous êtes dit que pour être acteur il fallait que vous soyez réalisateur.

 LV : Oui, à la différence d’Ariane qui eu la chance de travailler en tant que comédienne et qui a eu ce parcours en tant que comédienne, et peut se dire « je vais passer de l’autre côté du regard ». C’est un luxe.

 Moi, je n’ai pas été assez regardé en tant que comédien pour avoir cette logique de pensée. J’ai juste ce besoin assez viscéral de pouvoir jouer et pouvoir m’exprimer en tant que comédien et c’est ce qui me pousse à écrire en tant que scénariste et à réaliser. Réalisateur, c’est venu par défaut. Ce n’était pas inné chez moi. En même temps, je prends énormément de plaisir à faire des films parce que, quelque part, c’est comme ça que je vois le monde. Et surtout, ce qui est assez chouette, c’est que maintenant je ne suis plus du tout frustré en tant que comédien à me dire personne ne me donne ma chance. Je sais que quelqu’un croit en moi et que dans deux, trois ans je rejouerai dans son film.

 Mr X public : Je risque d’être désagréable : votre personnage c’est un harki. Il est du coté de ceux qui répriment l’aide à un mouvement d’indépendance. Je ne sais plus comment regarder le film du coup.

 LV : Oui on pourrait dire un harki, un traître. Mais je voulais garder cette figure de ce jeune qui a grandi en France et qui se destine à être policier. Le cliché aurait été d’avoir d’un coup un policier honnête qui exerce et d’un coup infiltre la communauté tamoule pour à la fin du film renier ses origines françaises, quitter la police, devenir un gangster et le parrain de la communauté tamoule.

 Mr X public : C’est un peu ce que vous donnez à penser quand il dit « maintenant c’est à toi de... »J’avais le sentiment qu’il allait devenir le parrain.

 LV : Ce n’est pas cette trajectoire-là qu’il va avoir. Il commence policier et il termine policier. Ce qui est intéressant c’est que ça remue quelque chose chez lui. Il décide, à un moment donné, de ne pas passer de l’autre côté alors qu’il en a la possibilité. Vis-à-vis de sa communauté il est un traître mais par rapport à lui, par rapport à la façon dont il a grandi et comment il s’est construit, il ne se trahit pas. Il s’est construit jusqu’à ce moment-là. Au cours de la cérémonie où il reçoit sa médaille, on se dit qu’il s’est construit toute sa vie pour ce moment-là. Mais pour autant est-il heureux ? en fait non : il ressent une part de culpabilité. Il revient alors dans cette famille pour regarder ces jeunes et là non plus, il n’a pas sa place là.  Il y a un côté doux et amer à la fois. Il a appris de cette communauté, en a gardé quelque chose mais en même temps il ne sera pas comme eux. Pour moi c’est la vraie vie. Comment à un moment donné, je n’ai pas envie de choisir entre l’un et l’autre, j’ai envie d’avoir les deux et comment je vais me construire avec les deux et pour autant je ne vais pas devenir d’un coup comme quelqu’un qui a grandi dans la communauté, qui est communautaire. Je ne veux pas être dans ce rapport-là. J’avais envie de monter cette vision. Ce personnage a forcément un côté amer. On se demande comment le placer moralement.

Du côté de son peuple il les a trahis et du côté de la France est-ce qu’il a été au bout de sa mission ? Pour moi c’est ça aussi la vie. C’est, qu’à un moment donné, ce n’est pas noir ou blanc, c’est les deux mélangés.

 Mr Y public : La lutte entre les factions est-ce une métaphore de la lutte entre les tamouls pour l’indépendance et le gouvernement sri-lankais?

LV : Non, ce n’est pas le cas. Ma référence dans ces guerres de bandes dans le film est en West Side Story : je voulais avoir des personnages de ma couleur de peau, qu’on soit dans West Side Story et qu’on prenne du plaisir à ce moment-là.

 GS : Je me suis interrogé sur ce qui faisait qu’il devenait policier. Ce n’est pas dans le film. Pourquoi ce choix- là ?

 LV : Je pense que c’est dans le film. C’est le fait que son père était aussi un tigre tamoul, un tigre noir et il s’est construit contre ça. Dans cette figure, la phrase très importante est : « qu’est-ce que ça fait d’être le fils d’un kamikaze ? » à partir du moment où il y a ce truc placardé sur le front, comment arrive-t-on à l’enlever ? Est-il possible d’avoir un chemin différent de celui de son père ?  C’est vraiment ce chemin-là qui a fait qu’il a décidé de devenir policier pour aller dans cette direction-là. Il y a aussi le personnage de la grand-mère qui lui dit : « ton père a suivi son chemin, toi le tien mais tout ce que je veux c’est que tu reviennes à moi ».  J’avais envie d’explorer ça aussi : on a certaines convictions et quand on est d’un coté on se dit que c’est des terroristes et quand on passe de l’autre coté on se dit que ce sont des gens qui se battent pour leur terre. Qui est-on pour juger que telle personne est terroriste ou rebelle ? Je voulais apporter dans le film tous ces questionnements sans porter de jugement et placer le spectateur du point de vue de Michael en découvrant ça avec lui et en même temps.

 GS : Ce père est quand même une figure d’identification mortifère.

 LV : En effet j’ai compris. Ne remuez pas le couteau dans la plaie, je vais régler ça avec un psychanalyste.

 GS : L’effacer peut-être pas mais comment il s’en débrouille.

 MCC : C’est très bien vu dans le film ce dépassement du coté mortifère plutôt par la loi et cette division dont vous parlez. Comment se retrouver en étant mêlé à plein d’histoires ? ça se comprend, vraiment. C’est assez logique de faire un choix avec un idéal qui est plutôt du côté de la loi mais tout en étant très divisé.

 LV : Quand nous, la deuxième génération, on arrive, il y a un côté où on ne doit pas faire de vague, on doit rester droit, on doit être français plus que français. On est dans un cadre que l’on ne doit pas dépasser. C’était très important pour moi d’avoir ce personnage qui a grandi dans un cadre et, au contact de ces jeunes, il y a comme une liberté.

 Au début de l’écriture je me disais que mon film c’était un peu Rox et Rouky. D’un côté le chien de chasse qui a été dressé et de l’autre ce renard qui est assez libre. Il s‘apprécient en tant qu’amis mais ça ne peut pas marcher, ils ne peuvent pas coexister parce qu’il y a un moment donné où ils sont différents et ils sont tiraillés. C’est aussi mon inspiration Rox et Rouky.

 JLH : Je voulais proposer une interprétation de cette scène avec le chef qui se suicide « écoute mon fils, je suis mort et bien mort, tu peux continuer à faire des films et de jouer la comédie »

 LV : Merci, paix à son âme

 GS : Ça résonne avec le mythe du père mort de Totem et Tabou de Freud, ça le fait accéder au symbole et à la fonction.

 DF : Oui, parce que maintenant c’est vous qui êtes père.

 LV : Oui.

 MCC : Y a-t-il un casting pour les coachs ?

 LV : Non, en fait c’est un ami. On a commencé l’école de théâtre ensemble, ça fait des années qu’on se connaît.  On a besoin d’avoir une personne en qui on a une grande confiance pour pouvoir se livrer à son regard qui est si important comme ça sur le plateau. À partir de là, quand je joue, je suis pleinement avec le comédien. Je vais être focalisé tellement sur ce que l’autre comédien joue que je n’ai aucune connaissance de ce que j’ai pu faire. J’ai besoin d’avoir une personne de confiance et ce regard-là pour pouvoir m’appuyer dessus.

 GS : C’est intéressant cette position de miroir parce que c’est à la fois vous et pas vous.

 C’est comme Rimbaud, « Je est un autre mais » C’est quand même vous d’une certaine façon qui portez un regard sur vous, un jeu de regards croisés.

 LV : En effet, je pars toujours de ma personne, de ma personnalité et je vais tirer les traits. Comme avec un bouton volume que je vais doser plus ou moins fort. C’est du dosage. Quand j’arrive en tant qu’acteur, je suis réglé à un certain endroit et donc je joue cette partition-là. Une fois que je sors de là je mets un peu de temps pour revenir au tournage. Il y a toute l’énergie que peut nécessiter le tournage et quand on revient à soi, on se dit ce n’était pas vraiment moi, c’était un personnage. Cela prend un peu de temps.

 Souvent les gens me demandent si je suis comme ça dans la vraie vie ? Je réponds que non, pas du tout, que c’est un rôle. En amont, on le travaille, on essaie de le rendre le plus vivant possible et après il ne nous appartient plus.

 LV : Après avoir imaginé les scènes quand on voit que ça prend vie, c’est assez magique. C’est un pur plaisir.

 Mme Z public :  À la fin quand Puvi voit Michael de dos, le reconnaît mais le laisse partir, est-ce que ça évoque le pardon ou la compréhension de la situation ?

 LV : Oui, totalement comme s’il y avait une entente tacite entre les deux. Je voulais aussi, même si mon film était assez amer, apporter un peu de lumière là-dedans. Ça fait partie de mon cinéma de mélanger le côté doux et amer. Cela représente le mieux ce que j’ai envie d’explorer au cinéma. Oui, il y a autant de violence que du pardon et de l’amour.

GS : Nous, les psychanalystes, sommes très attachés à la langue. J’ai été frappé dans votre film par la façon de s’exprimer de vos comédiens. Dans notre jargon on appelle ça l’énonciation. Finalement quand on ferme les yeux on a l’impression qu’il y a des beurs. Pourquoi avez-vous fait ce choix-là ou bien est-ce une réalité, le parler des banlieues, dans cette communauté qui a sa singularité ?

 LV : En fait, tout dépend de là où on a grandi. Par exemple, le personnage de Michael ne parle pas comme quelqu’un qui a grandi en banlieue et donc tous les jeunes qu’on a choisi ont grandi en banlieue, c’est un mélange, pas seulement noir ou maghrébin. Si on ferme les yeux ce sont toutes les minorités qu’on ne voit pas et qui ont vécu en banlieue.  Mon film est aussi un film de banlieue. On va me faire référence au film Les Misérables de Ladj Ly. Mais mon film n’est pas qu’un film de banlieue. Il y a des codes qu’on va récupérer parce que ces gens ont grandi dans ces zones-là et, ce que je trouvais intéressant dans leur manière de parler, c’est la façon dont on arrivait à confronter toutes ces langues. Comment la fille de la DGSI parle avec Michael, comment la grand-mère parle avec Michael, celles qui ont un accent, celles qui n’en n’ont pas, et tout se mélange, c’est pour moi la vraie vie. Autour de moi c’est comme ça qu’on parle et donc, j’avais envie de représenter au plus près cette manière de parler.

 CB : Votre film est très coloré. Cela m’a fait comme une expérience d’immersion. Quel est votre rapport à la couleur ?

 LV : Dans les films de gangster les personnages sont noirs, très sombres et je voulais mettre de la couleur là-dedans parce que ce sont des gens vivants. Je ne voulais pas rendre glamour la violence mais au-delà de ça, dans le cinéma du sud de l’Inde, il y a énormément de couleur. Ça m’a influencé aussi.  Dans le sud de l’Inde, les spectateurs ne vont pas au cinéma pour y voir la vraie vie mais pour s’évader car le quotidien est très difficile. Ils ont besoin de l’imaginaire, de fantastique. Ainsi les bagarres ne sont pas crédibles mais plus du folklore. Je voulais ramener ce côté du cinéma dans lequel j’ai baigné et le croiser avec un cinéma plus occidental. Ma question étant comment réussir à allier les couleurs d’un cinéma du sud de l’Inde et ce côté un peu réaliste et documentaire. C’est avec ce travail de mélange que j’ai fait dans le film.

 Notamment je disais à ma chef costumière que je voulais qu’on voit son travail à l’écran comme s’il s’agissait d’un film d’époque alors qu’on était dans un film moderne. C’est pourquoi on remarque les costumes. J’ai fait cette demande à tous mes départements, à l’image, à la chef déco. Je leur disais « je veux voir votre travail ». Cela donne peut-être ce côté exubérant dans tous les sens et il y a ce côté, « Wouah, il nous en met plein la vue ». Je pense que ça fait partie de ma mise en scène, ce côté un peu plus spectaculaire qui m’attire vraiment. Donc je vais dans ces codes-là.

 

 

Compte rendu fait par Colette Baillou et Dominique Fraboulet