Comment ré-enchanter le monde en 2021

 





Retour sur la 33è édition du festival 

 

Il court, il court le Covid. Il n’était pas encore passé par ici quand les premiers longs métrages, présentés cette année 2021 au festival Premiers Plans, ont été réalisés. Mais il est déjà repassé par là quand Arnaud, Anne, Louise, Fabien et leurs trois stagiaires les sélectionnent.

« L’artiste précède le psychanalyste » dit Lacan. Et nous le vérifions cette année avec une inquiétante étrangeté. Il court un parfum de fin du monde dans La Lévitation de la princesse Karnak où l’on doit « apprendre à disparaitre » comme dans un tour de magie. Les fantômes errent dans un monde ancien détruit au profit des spéculateurs dans Ghosts. La forêt est sacrifiée au monstre de la mine dans Digger. Et tout près de nous à Paris, Le Kiosque est enlevé dans les airs faute de lecteurs pour le faire vivre. La guerre ravage l’Ukraine dans La Terre est bleue comme une orange. La drogue ravage un fils dans Petit Samedi. La déception amoureuse et la gifle ravagent une jeune adolescente dans Mia manque sa vengeance.



                                       bande annonce Mia manque sa vengeance


Le monde s’effondre… Le monde d’après sera-t-il porté par le désir d’une vie meilleure comme le souhaite le fils dans le film Digger : l’argent, les jeux, les motos dont le bruit empêchent les poules de pondre. Sera-t-il porté par le rêve d’Amérique et des filles faciles entrevues sur internet dans  The Whaler Boy ? Ou bien sera-t-il celui du retour à la terre,  à l’ombre de la forêt sauvée,  sur la mer du grand nord avec les pêcheurs de baleines ?



                                         bande d'annonce de Digger


Le monde s’effondre… La transmission entre un père et son fils est rompue dans Digger. Mais le monstre qui dévore peut aussi sauver leur relation. Le rêve d’ailleurs pousse le jeune pécheur de baleine de The Whaler Boy à quitter la terre où il est enraciné, mais le réveil laisse entrevoir le mythe de l’éternel retour.



                                           bande annonce the whaler boy



Le monde s’effondre… Mais les jeunes filles sont-elles pour autant des putes quand elles mettent du rouge aux lèvres et libèrent leur corps dans la danse. Doivent-elles rester soumises à l’ordre patriarcal qui les enferme ou peuvent-elles crier leur désarroi,  se rebeller et affirmer le droit des LGBT dans GhostsL’amitié entre filles n’est-elle pas la meilleure des antidotes de la vengeance de Mia manque sa vengeance. La complicité d’une mère peut-elle sauver du désastre « C’est l’amour qui fait qu’on s’aime » chante la radio dans Petit Samedi.



                                         
  petit samedi entretien avec la réalisatrice


Le monde s’effondre mais il peut se ré-enchanter. Et ce ré-enchantement passe par les femmes et par  les artistes qui « doivent éclairer le monde à leur manière » pour souffler l’espoir et changer le cours des choses, affirme  Azna Deniz Okyay réalisatrice de Ghosts.


         bande annonce de Ghosts


Et quel beau message que celui de la cinéaste Iryna Tzily qui donne pour titre à son film,
ce vers célèbre de Paul Eluard « La terre est bleue comme une orange ». Une mère et sa  fille se sont improvisées réalisatrice et monteuse dans l’Ukraine ravagée par la guerre. Elle nous rappelle la nécessité vitale de l’art pour survivre au chaos.



                                          bande annonce le ciel est bleu comme une orange


Ainsi pour ré-enchanter le monde ces jeunes réalisateurs nous montrent la voie de la création artistique. Mais cette année, année morose pour le monde culturel, dans notre monde confiné et peureux, leurs voix résonnent avec une étrange sonorité.

 

Dominique Fraboulet