Premiers Plans regarde le monde
Lauréats 2020
photo Olivier Ortion
Retour sur la 32e édition du Festival
On a dit de Raymond Depardon, dont le festival a donné une
formidable rétrospective, qu’il était « un regardeur professionnel ».
« L’œil qui te regarde » c’est ce qu’on peut lire dans son
documentaire sur l’hôpital psychiatrique de San Clemente. La force de son
regard sans jugement ni commentaire nous renvoie à ce que nous sommes. «
Qu’est-ce que je fous là » dit-il. Et en conséquence « qu’est-ce que
je veux, qu’est-ce que je peux », qu’est-ce que tu peux pour changer le
monde. « En tant que cinéaste, je participe à la représentation du monde »
dit le réalisateur de Oray.
Raymond Depardon a fait des émules parmi les jeunes
réalisateurs car sur les douze films longs métrages présentés en compétition, quatre sont des documentaires. Sont-ils plus propices que
la fiction à rendre compte de la vérité et du réel, à cerner l’indicible pour attraper
ce qui toujours échappe. C’est une question dont nous pourrons débattre.
Cette année, les jeunes cinéastes nous confrontent au regard
de l’Autre, celui des parents, de la société, de la religion, et son
injonction à la réussite, à la conformité. Cet Autre qui a le mode d’emploi,
qui sait ce qu’il faut faire, et ce qui est bien pour nous.
A rebours, ils nous invitent à nous déprendre de ce regard
normatif pour le porter vers l’inconnu, vers nos doutes, nos divisions, nos
ratages, nos difficultés à nous repérer dans ce monde qui change où les gens se
rencontrent et se séparent sans jamais savoir ce qu’ils sont vraiment les uns
pour les autres ( film d’Anna Sofie Hartmann).
Comment devient-on un homme ? dit Antoine de Bary. Qu’est-ce
qu’être un homme en face d’une femme pour le meilleur ou pour le pire ?
Qu’est-ce qu’une femme peut quand elle est confrontée au pire ? dit Alexe
Poukine.
Comment regarder l’amour brisé entre un homme et sa fille qui
ne peuvent s’aimer ? Que devient l’amour inconditionnel qu’on porte à sa femme
décédée quand on apprend qu’elle vous a trompé, l’amour interdit par l’islam,
l’amour pour Johnny quand il n’est plus là,
l’amour d’une mère pour une autre femme quand se porte sur elle le
regard de ses enfants.
Comment supporter ce regard des hommes aux destins brisés
dans la prison des Baumettes, la servitude des jeunes philippines au service de
l’occident.
Et nous, spectateurs que pouvons-nous faire de ce regard que nous renvoient ces premiers films ? "Ca" me regarde. Qu’est-ce que je fous là et qu’est-ce que je veux ?
Et nous, spectateurs que pouvons-nous faire de ce regard que nous renvoient ces premiers films ? "Ca" me regarde. Qu’est-ce que je fous là et qu’est-ce que je veux ?
Dominique Fraboulet