Aujourd'hui je suis vivante
photo Nathalie Guyard
Emmanuelle Nicot
Enfant et même adolescente Emmanuelle n’était pas cinéphile.
Cependant, une fois par an, ses parents l’emmenaient au festival Les Enfants
du cinéma de Charleville Mézières, ville des Ardennes où elle vivait.
Elle y a vu Le Tombeau des lucioles, dessin animé qui l’a bouleversée au
point de sortir de la séance en pleurs et de ne pouvoir dormir la nuit suivante. Elle
avait 10 ans. Ce film retraçait l’histoire d’un jeune garçon mort à Hiroshima.
Voix off « aujourd’hui je
suis mort ».
Elle retrouve le cinéma dix ans plus tard, encouragée par une
amie passionnée de films qui l’aide à sortir d’une période de vie difficile où
elle s’est sentie annihilée, ne plus exister. Elle prend l’option cinéma à la fac
de lettres où, dit-elle « Je me suis mise à être bonne dans les
études. » Elle se sent valorisée et les films qu’elle visionne en grand
nombre la reconnectent à elle-même, à son corps et à ses sensations. Elle décide de partir à
Lille en fac de cinéma puis intègre l’IAD en Belgique.
Son deuxième court métrage « A l’arraché » décroche
17 prix et est sélectionné au Festival Premiers Plans en 2017. Il met en scène
l’emprise destructrice d’un garçon sur une fille, et l’emprise plus sournoise
d’une amie qui veut le bien de l’autre.
Dans son premier long métrage qu’elle
est venue travailler à Angers, une adolescente va progressivement comprendre
que derrière ce qu’elle a toujours nommé « amour » se cache autre
chose : l’emprise des parents sur leurs enfants, d’un homme sur une femme,
d’une amie sur une autre, peut prendre le masque de l’amour et conduire à la
mort du sujet.
« Aujourd’hui je suis mort ».
Emmanuelle Nicot déclare que le cinéma permet de revivre des
émotions fortes, des événements traumatisants refoulés, pour les exorciser et
s’en libérer. Faire un film, c’est une façon de dire aussi à ceux qui n’ont pas
voulu voir, ce que le sujet a vécu, et comment il a pu « se
réinventer. » « Je n’étais plus personne et je redeviens quelqu’un. »
Aujourd’hui je suis vivante.
« Le cinéma m’a permis de renaître » nous dit
Emmanuelle. Aujourd’hui, à son tour, elle veut réveiller des sujets, transmettre
la vie par les images et par les émotions fortes qu’elle veut y mettre et « tendre
la main à ceux qui n’ont pas les armes pour parler d’eux. »
Dominique Fraboulet
photo Nathalie Guihard
A L'arraché