Un secret révélé



Sandrine Jousseaume
photographe à Premiers Plans


Ce n’est pas le cinéma qui amène Sandrine Jousseaume à Premiers Plans mais le hasard d’une rencontre avec la photographe officielle du festival qui lui demande de suppléer à son absence.

Ce n’est pas son père, photographe amateur, qui l’amène à la photographie mais le mystère de la chambre noire de l’école des beaux-arts où apparait  l’image qui surgit dans le bac à révélateur. Soudain c’est comme un secret révélé. Dès lors elle part à « la capture du monde » avec son appareil constamment sur elle, lourd à porter, « pour attraper la chose », et montrer ce qui échappe et que les autres ne voient pas. Elle prend, elle voit sans être vue, cachée derrière le petit écran de l’appareil photo.

Mais la photographie ne suffit pas à révéler ce qui est caché. Il y a aussi le non-dit et c’est pourquoi très vite elle associe l’image à l’écriture, à des mots prélevés au hasard dans La Comédie humaine de Balzac. Ainsi émerge une autre histoire cachée à la première lecture, un secret inavoué, un inceste, un avortement, un amour dramatique, un suicide, un mariage, une perte d’identité. Sandrine Jousseaume invente un nouvel album de famille dans la  vie d’une femme.

C’est là et pas là, c’est montré et caché. Comme elle le fait aussi avec des photographies dont elle a évidé les visages, ou des négatifs de robe de mariée où la femme n’est plus dedans ; il ne reste plus que l’apparat, une trace, un fantôme. C’est à la fois vivant et mort.


 
http://www.sandrinejousseaume.com

Cette présence-absence de la femme se retrouve dans son magnifique travail intitulé Gradiva  où elle superpose le texte de Freud sur La Gradiva et les mots qu’elle en prélève, à des photos de Pompéi et de statues du 19è siècle prises au musée de Berlin associant ainsi la représentation réaliste, charnelle du corps de la femme aux ruines et à l’écriture. Elle rend vivant ce qu’on croyait mort.


                                                                                               http://www.sandrinejousseaume.com

La vérité ne peut que se mi-dire  écrit Lacan. Le négatif d’une photo montre autre chose que la photo elle-même. D’un secret on ne peut tout savoir. Comme le psychanalyste qui déchiffre ce qui se dit entre les lignes, les photographies de Sandrine Jousseaume nous donnent à voir une autre image de l’objet photographié qui révèle la part cachée du sujet. Caché derrière le petit écran son regard attrape ce qui nous échappe et dénoue nos secrets.

Un souvenir de Premiers Plans ? Les 80 ans de Jeanne Moreau. « Je n’arrivais pas à la prendre en photo et la poursuivais toute la journée alors qu’elle se refusait. Enfin je la saisis en pleurs sur la grande scène du Centre des Congrès alors que toute la salle lui fête son anniversaire. » Quand elle voit les photos, elle est ravie, elle me prend dans ses bras  et m’embrasse et dit «  J’aurais aimé que ma mère les voit ».


                                                          c Sandrine jousseaume



Dominique Fraboulet