Premiers Plans bouscule notre zone de confort

Les lauréats du Festival 2019 ©Sandrine Jousseaume

Retour sur la 31e édition du Festival



Au cours de ces 3 jours qu’il nous a chaleureusement donnés, Costa-Gavras a dit « faire un film c'est exaltant et terrifiant », « les films sont des passions soutenues par quelque chose d’intérieur, de profond », et surtout « il faut qu’il y ait du plaisir ». 


Si Costa-Gavras parle du plaisir de faire un film nous avons eu nous le plaisir de voir cette année de très bons premiers films, très forts en émotions dérangeantes, cet au-delà du principe de plaisir que Freud a exploré au grand dam de ses contemporains, et que Premiers Plans reprend, restant fidèle à son cap de déranger notre défense, notre zone de confort.


« L’exaltant et le terrifiant », c'est aussi ce qu’approchent tous ces jeunes réalisateurs et chacun à leur façon, cet au-delà du principe de plaisir (PP comme Premiers plans) ou encore ce que nous appelons nous la jouissance, le réel irreprésentable : faire un film pour comprendre ce qu’on ne connait pas ; témoigner, poser des questions auxquelles il n’y a pas de réponse, creuser dans les zones d’ombre pour y trouver la fêlure et créer un moment de vérité. « Je cherche les expériences qu’on ne peut mettre en mots » nous dit l’un d’eux.

« Je ne sais pas pourquoi je fais ça, d’où ça vient mais c’est plus fort que moi, je le fais et je le fais encore (Matthieu Bareyre - L’Epoque). C’est plus fort que moi de tout casser (Nathan Ambrosioni - Les Drapeaux de papier). Quel est ce moment d’irruption où il ne contrôle plus rien ? Quelle est cette pulsion qui les anime. Et qu'aurait pensé André Bazin de notre époque, lui qui disait « le cinéma, c'est la mort au travail ».

Cette année, il a été particulièrement question de la liberté et de l’enfermement.

Je filme la liberté nous dit Laszlo Csuja : qui sont ces personnes qui vivent dans le présent et l’immédiateté en avançant au gré du hasard (Blossom Valley) ; dans la liberté, cette liberté qui nous, nous attire mais nous fait peur. Comme elle terrifie celui qui sort de prison et qui ne sait à quoi se raccrocher (Les Drapeaux de papier) ou celui qui fait tout pour y retourner (L'ENKAS).

   
                                                                     les Drapeaux de papier

L’enfermement, c'est la prison mais c'est aussi la maladie mentale, et quand la kétamine vous emmène dans l'une ou vous libère de l'autre, surgit un moment de perplexité et de réveil. C’est aussi l'aliénation au travail (Ceux qui travaillent) ou la liberté de 18h à 9h, ou l’immigrée qui s’enferme dans le mariage, prête à tout accepter pour obtenir sa carte verte (Lune de miel). Mais ne sommes-nous pas tous des enfermés de la vie comme le dit la p'tite sœur dans Les Drapeaux de papier, enfermés dans la langue ou exilés de la langue de l'autre.

Comment fait celle qui ne veut pas être contrainte par quoi que ce soit, et refuse de se considérer comme victime du viol et s'enferme en elle-même Comme si de rien n’était.

Que se passe-t-il quand on est prisonnière avec 2 hommes dans un sas de décompression au fond de la terre et qu'on a pas assez pour assurer la survie de 3 personnes ; à la vie, à la mort, ce monstre qui est dehors est aussi en nous. (Cutterhead).

Comment fait-on pour se libérer de sa blessure d’enfant, ce mal qui est au plus profond de nous : s'enfermer dans la cage aux chiens en attente du pardon qui répare (Core of the World) ou faire du cinéma, faire de son art un mode de vie (Ray and Liz).

Comment faire, par quoi je commence, demande Rose dans L'Epoque ? « On a la liberté de réfléchir avant de parler, la linguistique c’est important ». Interroger le monde, libérer la parole, parler de vos rêves dans une explosion de vie, d’énergie, de joie, de couleur et de musique ; « je n’ai pas la haine, j’ai le feu en moi. Je ne possède rien et tout va bien » (L'époque). Un film c’est la vie et ce qui la menace, ce qui la libère et risque de l’enfermer.

                                                            
                                                                              L'Epoque


La vie c'est comme un voyage sur un fil « sur le fil, je déambule toujours plus haut mais jamais comme il faut ; sur le fil, j'ai peur, un faux pas et je tombe » L'ENKAS.



Dominique Fraboulet