Tu ne peux pas continuer à vivre sans connaitre ça...

 Arnaud Gourmelen © Frédéric Marteau

Arnaud Gourmelen sélectionneur et responsable des programmes du festival

Magique le cinéma, la salle du Rex avec son plafond étoilé.

Magique le premier film E.T., sa première émotion cinématographique vu avec sa mère. Il était même bouleversé de voir E.T. repartir avec les extraterrestres et abandonner sa famille adoptive. Il est même retourné une deuxième fois le voir ; peut-être que la deuxième fois la fin serait différente et que E.T. resterait avec lui. Apres tout le cinéma c’est magique, alors pourquoi pas une autre fin.



E.T. l'extra terrestre, bande annonce 1982


Effrayantes et pourtant attirantes ces histoires qui vous mettent dans une tension extrême comme Terminator, film interdit au moins de 12 ans et vu à 9 ans chez des grands parents qui le laissaient voir tout et n’importe quoi à la télévision. Voir même Un après-midi de chien, une histoire de braquage qui lui a procuré une telle tension qu’il ne l’a revu que vingt ans plus tard, angoissé surtout à l’idée d’être déçu et de ne pas retrouver cette émotion originelle….


          

Un après-midi de chien, bande annonce

Merveilleux le jour où « il est arrivé », le magnétoscope ; ce moment important où il a pu enregistrer voir et revoir tous les films, prolonger le plaisir, visionner tous les films d’un même réalisateur, tous les films avec le même acteur, tisser la toile de cette grande famille du cinéma. Et prendre conscience que le véritable auteur de ce choc esthétique, c’est le réalisateur.

Comment fait-il ce réalisateur? Comment fait-on pour « raconter un film » avec un scénario et des images qui s’impriment si profondément en chacun; pour surprendre le spectateur toujours « en retard sur le film » ; créer l’ellipse, ce vide d’où surgit cette question « qu’est-ce que j’ai raté, qu’est ce qui a bien pu se passer ? » mettre en scène des personnages troubles et ambigus, ces méchants séducteurs qu’on se prend à aimer ; « il n’y a qu’au cinéma qu’on peut aimer les méchants ».

« Le cinéma, c’est plus merveilleux que la vie, c’est un outil magique » où tout est possible : rencontrer un extraterrestre comme sa propre étrangeté, le rire, les larmes, l’humour, la colère, les réactions excessives, ce qu’il déteste, le heurte et pourtant le touche. « Quelque chose passe et surprend et c’est ça qui m’intéresse », la surprise. Le cinéma, ça réveille. En chacun de nous il y a un E.T. qui s’ignore, l’étrange si proche et si lointain.

Son « rendez-vous avec le cinéma » passe par les yeux sans visage de Franju et son admission en maîtrise et DEA de cinéma ; l’opportunité d’un travail sur le festival de Biarritz, un moment de fête et de rencontres avec des artistes et leur vision nouvelle sur le monde ; et la découverte que lui-même peut faire du cinéma un métier et être un passeur : faire passer, faire découvrir à l’autre ce qu’il aime « il faut que tu voies ça ; tu ne peux pas continuer à vivre sans connaitre ça » dit-il. Il « prescrit » comme sa mère médecin, cette potion magique qu’est le cinéma.


Les Yeux sans visage

Et Premiers Plans ?

Dans ce flot de premiers films visionnés pour la sélection du festival, certains le surprennent et le réveillent, et créent ce désir de faire entendre « ce cri » qu’est pour le cinéaste ce besoin de faire un film.

Et les rencontres avec les réalisateurs chevronnés des rétrospectives pour tenter de répondre à sa question : « comment font-ils pour faire passer ça » cette histoire qui vous bouleverse.

Table ronde avec les frères Dardenne - festival 2017

Un souvenir de Premiers Plans : la rencontre avec Kaurismäki, lui et sa bande, un moment de partage et de communion ; un homme qui se comporte comme il est, qui filme le message qu’il veut faire passer et non pas ce qui est dans l’air du temps. Il n’est pas comme certains qui filment les bons sentiments et sont eux-mêmes des crapules. C’est un homme qui traite avec le même égard celui qui l’interroge et la vedette à côté de lui. Aki avait cité cette phrase lors d’une enquête menée auprès de cinéastes « Le sens de la vie est de se forger une morale personnelle qui respecte la nature et l’homme, puis de s’y tenir ». Cela lui ressemble beaucoup…
Découvrir, redécouvrir, et faire découvrir ; comprendre partager et débattre ; et, le plaisir de la surprise. C’est ainsi qu’Arnaud fait sienne la magie du cinéma.


Dominique Fraboulet