Mes autres

© Sébastien Aubinaud


Xavier Massé
Secrétaire général du Festival Premiers Plans


Enfant, il lit beaucoup et dessine. Des dessins partout, sur tout, une feuille, une table, aux Beaux-Arts puis des Bandes Dessinées pour mettre son monde en mouvement et peupler sa solitude en défaut d’imaginaire : déjà du cinéma, juste ébauché.

Alors quand l’écran s’allume, la magie de la télévision opère : c’est la promesse de découvertes et d’aventures…actualités, boat people, guerre du Viet-Nam, conquête spatiale ou dessins animés, peu importe que cela l’effraie comme Psychose ou la scène des chasseurs de Bambi, son premier souvenir de film, il adore ça et s’en nourrit. Regarder les films en famille, le dimanche soir où à Noël, c’est l’évènement. Il entre par affection dans le cinéma.

Psychose

Bambi 

Sa mère a la bonne idée de mettre l’écran dans sa chambre. Alors il se met à dévorer, dans la plus totale des libertés, les films, les documentaires et les émissions littéraires. La télévision, loin de l’éloigner d’un savoir que l’école n’avait pas réussi à lui transmettre, l’y raccroche. Les films surtout. Il enchaîne, ciné-club, ciné - cinéma, cinéma de minuit. Une boulimie, une véritable « cinéphagie ». 

Quand il découvre à Angers le cinéma permanent, il visionne avec gourmandise des heures durant, tous les films qui passent. Il devient fin connaisseur du cinéma de science fiction et du cinéma américain, un bon plan pour se connecter aux autres et découvrir le milieu professionnel qui sera le sien.

De tout ce temps passé devant l’écran, il se forge « une idée du voir »: voir le monde avec les yeux des réalisateurs, c’est se l’approprier, s’y connecter, se construire des territoires imaginaires qui constituent son patrimoine, le « référentiel » dans lequel il puise sa substance. Il ingère les films comme autant de condensés de vie jusqu’à en faire « les atomes de son corps », les films de sa vie, certains plus que d’autres : Voyage au bout de l’enfer, Blade Runner…et si maintenant il en voit moins c’est pour mieux les accueillir et les savourer.

Blade Runer

Le cinéma est « consubstantiel » à son être. Cinquante ans de rapport intime à l’image, cinquante ans de cohabitation avec les histoires des autres. C’est cet intime-là qu’il veut préserver à Premiers Plans, une invitation à aller y voir dans un mélange « de confiance, de curiosité et de connivence ».

Il est le médiateur, celui qui permet « la rencontre aventureuse entre le film, le réalisateur et le spectateur » ce spectateur qui est au centre de ses préoccupations.


Son meilleur souvenir de Premiers Plans ?

Le tournage, aux Ateliers d’Angers 2005, du film de Lisa Bresner. Un « moment merveilleux » avec sa fille Clara, ses êtres chers et Jeanne Moreau. Une femme, se revoit petite fille. Si sa robe est d’un rouge éclatant, celle de la petite fille ne l’est pas encore, elle le sera plus tard, le temps de se construire ; et dans le face à face avec les animaux morts et empaillés, non, définitivement, la petite fille ne se reconnaît pas. Alors elle quitte le musée, main dans la main avec son double pour partir dans la lumière de l’encadrement de la porte, vers la vie. La réalisatrice bute sur le titre à donner à son film. 

Mes autres c’est le nom que Xavier lui proposera. Mes Autres, un résumé de ce qu’est le cinéma pour lui, l’étincelle de vie lui ayant permis de sortir de sa solitude d’enfant pour aller vers les autres.



Mes autres, carte postale réalisée par Lisa Bresner lors des Ateliers d'Angers 2005

Xavier Massé se prête aux interviews des jeunes festivaliers ©Thierry Bonnet

Colette Baillou