Un petit garçon en culottes courtes








Marc Borgomano
Membre du Conseil d'Administration de Premiers Plans



Il se sentait bien seul, le petit garçon en culottes courtes, fraîchement arrivé de Tunisie, quand l’instituteur le montra en exemple de ce qu’il ne fallait pas faire. Mais il prit son courage à deux mains et malgré sa prononciation, réussit à lire « la grive musicienne », à haute voix, devant tous ses camarades. Mélange de crainte et de satisfaction, vague d'émotion et de sensations… Bien des années plus tard, alors qu’il se trouvait à participer à la création d’une bibliothèque associative, ce fut une évidence : c’était ce « qu’il voulait faire, la lecture publique, les relations avec les enfants ». Fini le travail au Trésor Public. Il devint bibliothécaire. Il aimait les histoires et les images, il se spécialisa en littérature jeunesse. Les livres et le partage, la transmission et les rencontres, ce fut la bibliothèque départementale et le bibliobus à sillonner la campagne. 

Il aime le cinéma, il devient « vidéothécaire ». Encore des histoires et des images ! Il aime les documentaires, de ceux qui laissent une place au regard du spectateur et qui le touchent, de ceux qui questionnent. Comment Mariana Otero ou Eric Caravaca passent-ils de la réalité à la fiction, de l’intime à l’universel ? C’est fantastique !


Histoire d'un secret
Carré 35




Son histoire avec le cinéma a débuté à Tunis, au Palmarium, lorsque Le Ballon Rouge s’envole laissant l'enfant seul, son magnifique objet à jamais perdu, sphère parfaite d’un rouge éclatant se détachant sur un fond en noir et blanc. Angoisse mais aussi émotion esthétique, tous les sens en éveil. C'est ça le cinéma.




Le Ballon Rouge




Il n’aura de cesse de retrouver ces sensations : la littérature, le cinéma et l’art avaient été pour lui, à son retour en France, une échappatoire, une question de survie. Des jours entiers à lire, à contempler la beauté de la Loire ou à regarder des films des années 30, avec ses parents. Moments exceptionnels.



Mais quel point commun entre cinéma et littérature ? Simplement l’écriture. « Pas de bon cinéma sans écriture ». Celle d’un film de Bergman ou celle de La Grande Vadrouille, celle soudain évidente lors d’une rétrospective d’un réalisateur, à Premiers Plans, cela lui procure « le même transport ».



Alors il décide de mettre en place un Jury de bibliothécaires qui primera l'écriture d'un jeune réalisateur "le Prix des Bibliothécaires". Mais il ne s’arrête pas là : journées de formation et ateliers de découverte du Festival pour les bibliothécaires, programmation de séances dans les communes du département puis participation au Conseil d’Administration : un engagement pour le cinéma et la littérature. 


Ses souvenirs de Premiers Plans ?


Des rencontres. 
Avec le cinéaste belge André Delvaux, peu de temps avant sa disparition et avec le cinéaste arménien Artavazd Pelechian autour de ses deux courts films Fin et Vie. Magnifiques ! Il lui en reste des regards et des sensations à partager. 

Le partage et les rencontres, tout « le sel de [sa] vie ». Au cinéma il ne ressentirait jamais plus cette solitude dont il avait eu horreur, celle du petit garçon en culottes courtes.



The End



Life

Colette Baillou