Premières pages, Premiers plans, c'est oser

                                    

Vincent Février

Principal du collège Montaigne à Angers
Bénévole puis attaché de presse locale à Premiers Plans (1992-1994)
Membre du comité pédagogique du festival Premiers Plans et de la commission nationale du CNC pour le dispositif "collège au cinéma".



À 13 ans, encouragé par son professeur de français, il ose lire les vingt tomes des Rougon-Macquart, cette « histoire naturelle et sociale d’une famille sous le second Empire » et devient un amateur éclairé du grand écrivain. 

La lecture ! premier espace de liberté auquel sa carte de bibliothèque gratuite lui donne accès et quelle richesse! Emile Zola, parti de rien, qui avait réussi à imposer son style en restant au plus près de la réalité, lui fournit un éclairage littéraire des inégalités sociales auxquelles, enfant, il est confronté .

Il « a un truc » ce professeur de français qui n’hésite pas à illustrer Racine par un western pour mieux faire comprendre le coup de foudre de Phèdre « Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ». Un "truc", inattendu et surprenant qui le transforme dès qu'il parle cinéma. Un désir et une énergie qu’il sait transmettre à ses élèves. Alors, quand il demande des volontaires pour participer à un journal autour de Premiers Plans, c'est un oui, immédiat, Vincent ose encore. Quel « projet pédagogique ambitieux ce "projet d’action éducative" ! Mettre une communauté de lycéens au travail autour d’un objet si particulier qu’un festival de cinéma ». Et quel travail ce « Premières Pages » : écrire, taper, publier, vendre, mais aussi manquer les cours ou pénétrer dans le lycée fermé le week-end : un sentiment d'immense liberté et une position d'exception. Deux ans de suite, un succès et au bout, la récompense : une invitation à assister au Festival.

Salle de rédaction de « Première Page » en 1991, les élèves et les enseignants en plein travail

Ces premiers jours à Premiers Plans, un vrai moment de bascule et une accroche définitive. Il découvre alors un autre cinéma. S’il allait auparavant voir des films grand public avec sa mère, ses sœurs ou son père, il ne lui en restait que les titres choc : La Vengeance du serpent à plumes ou Ne réveillez pas  un flic qui dort. Cette fois, avec le festival, ce ne sont pas des titres dont il se souvient mais d’images, celles d’un cinéma différent, devenu essentiel pour lui. S’ouvre désormais - de Ken Loach, filmant le jeune Billy, à Vincent Pouplard, filmant à cinquante ans d’intervalle des jeunes délinquants - « tout un itinéraire vers une certaine liberté par la médiation de l’éducation ».

                                                                     Kes - bande annonce             


       Pas comme des loups - bande annonce  
   
Très vite, l''année suivante, il devient stagiaire : premier espace de travail, des responsabilités et encore plus de cinéma.

Affichage du mur de presse-Premiers Plans 1992  © Patrice Campion

De participant passionné à ce Projet d'Action éducative, il devient Conseiller Principal d’éducation puis « personnel de direction ». Douze mutations plus tard, nommé chef d’établissement à Angers il se précipite de nouveau aux 400 coups et à Premiers Plans.

Il participe désormais au comité pédagogique du festival avec ce désir, qu'à leur tour, des adolescents osent aborder eux aussi un autre cinéma. Celui qui fait grandir, changer, être différent, voir le monde autrement, celui qui est aussi une manière de lutter contre les inégalités sociales.
Car comment aurait- t-il grandi, lui qui se dit « un pur produit de l’éducation à l’image », sans ces enseignants passionnés de pédagogie et de cinéma ?

Ses souvenirs marquants de Premiers Plans ?

Le contact avec les critiques Pierre Murat, Serge Toubiana et tant d’autres, les missions qui lui ont été confiées par Catherine Bailhache, administratrice et co-fondatrice du festival, la façon dont Jane Birkin, avec la simplicité qui font les grandes dames, l’avait sollicité pour l’accompagner dans une visite privée, encore et toujours les films, le cinéma !



Colette Baillou