D'où procède l’angoisse ?
Jusqu'à la garde de Xavier Legrand
(2017 - France - 1h33)
D'où procède l’angoisse ? Quels en sont les
ressorts au cinéma ? Ces réflexions intéressent la psychanalyse car
cela dit quelque chose de notre monde, de la manière dont les réalisateurs
impactent le spectateur ? Comment toucher celui qui regarde ? Voilà les questions qui se posent à la sortie de la
séance du premier long métrage de Xavier Legrand, Jusqu’à la
garde.
Miriam, une femme en plein divorce, demande la garde
exclusive de ses enfants accusant son ex-mari de violences conjugales. Antoine,
à qui la justice accorde le bénéfice du doute, obtient la garde partagée de
leur jeune fils, Julien. Il va profiter de ces temps pour approcher de son
objet perdu.
Histoire rien de plus ordinaire qu’une famille qui
se sépare.
La prouesse de cette réalisation repose sur une
construction à la manière d’un thriller : une tension posée dès les
premières images du film où le cinéaste nous place dans le bureau d’un juge aux
affaires familiales. Ferré comme un poisson au
crochet du réalisateur, le spectateur est baladé au rythme de cette tension qui
ne le quittera plus, comme elle ne quittera plus Miriam et sa famille, jusqu'à
l’épuisement, jusqu'au coup final. Ce film opère d’effets d’attente et de suspens qui
se vivent, notamment, dans les scènes où
Julien est contraint d’aller chez ce
père envahi par sa souffrance d’homme.
Ce cinéma donne à ressentir, il laisse en proie à la
subjectivité, sans pathos ni caricature. Chacun est livré à son propre regard,
à sa propre opinion, là où Xavier Legrand nous pose au cœur de ce drame, sans
jugement ni explication.
C’est dans la sonorité bruyante et silencieuse, les
mouvements violents, vifs et les immobilités brutales et soudaines, que le
battement pulsionnel du film affole le pouls de celui qui regarde, impuissant.
Telle une proie à l'affut d’un danger, ayant pour seuls repères des sens en
alerte. C’est dans les retenues, la où la
respiration cesse et s’accélère, dans ce qui ne se dit pas que nous évoluons
avec cette famille déchirée.
Derrière cette histoire ordinaire qui traite de la
violence conjugale, se faufile l’imaginaire et le fantasme bien singulier du
spectateur. Le regard est pris au piège. Le cinéaste par ses effets techniques fait
entendre, fait regarder ce que seul l’imaginaire peut voir mais qui manque et
est absent à l’écran. Il impacte de plein fouet le réel qui fait surgir en
force, l’angoisse. Nous voila à la merci de notre imaginaire, de nos fantasmes
les plus profonds, seuls recours pour voiler le réel en jeu.
De ce drame familial contemporain, Xavier Legrand
inscrit une marque unique et indélébile pour chacun. L’image s’impose, non pas
celle du grand écran, mais celle de notre écran intérieur.
Il nous prend au corps. Ainsi l’angoisse touche notre corps et l’éprouve. Elle court à travers le film. Chacun se retrouve connecté au monde, à l’expérience de cette famille, par son filtre intime : c’est « l’extraordinaire puissance ordinaire du cinéma » nous indique Gérard Wacjman.
Il nous prend au corps. Ainsi l’angoisse touche notre corps et l’éprouve. Elle court à travers le film. Chacun se retrouve connecté au monde, à l’expérience de cette famille, par son filtre intime : c’est « l’extraordinaire puissance ordinaire du cinéma » nous indique Gérard Wacjman.
Et c’est toute la réussite de ce film, récompensé
par le Prix du Public au Festival Premiers Plans d’Angers.