Chercher la zone d'inconfort

Thibaut Bracq ©Sandrine Jousseaume


Thibaut Bracq
programmateur du Festival

Dur, dur de ne pouvoir tout lire, tout voir, tout savoir, de devoir choisir. Et en même temps quelle chance d’avoir tout à découvrir, ouvert au champ des possibles, au festival de la vie.

Sa première émotion au cinéma est liée à la terreur et l’angoisse de Dark Crystal, film d’animation où un personnage se fait persécuter, où un monstre pourrit et se désintègre ; film vu aux côtés de sa mère avant que son père ne rentre du travail, fasciné et terrifié.



Dark Crystal


Dans la petite ville du nord où il a grandi, si on n’aimait pas le sport on s’inscrivait à l’association de cinéma d’arts et d’essai. C’est comme cela qu’à l’âge de seize ans il bascule de la littérature au cinéma, de l’imaginaire du livre aux corps incarnés sur l’écran, de l’étouffement de l’enfance à l’ouverture des possibles vers de multiples vies qu’il n’a pas vécues ; découvrir l’autre, la sexualité, Almodovar et l’étrangeté de David Lynch « je ne comprenais rien mais j’étais fasciné ». Tout est possible, demain ça ira.

Pour découvrir et comprendre ce monde ouvert vers les possibles, il a fallu prendre les chemins de traverse par rapport à la loi du père pour qui il n’était pas question de s’engager sur une voie professionnelle en lien avec la littérature ou le cinéma, du moins au début ; trouver l’énergie et l’envie d’aller chercher la zone d’inconfort, le point à côté ; et ne pas s’endormir sur ses lauriers : hypokhâgne, deux maîtrises de lettres modernes et de philosophie puis Paris 8 option cinéma où il monte un dossier de programmation sur « la métamorphose ».

Et Premiers Plans ? 

Après quatre années d’études de texte, c’est le rapport au vivant, au réel ; c’est l’action, la création, la découverte des jeunes auteurs de demain ; c’est l’événement, c’est le festival : se sentir en phase avec ce type d’énergie, huit mois de travail pour dix jours d’intensité. Premiers Plans, c’est aussi le rapport au corps qu’on n’écoute pas, tant il est en effervescence le temps du festival. Difficile pour Thibaut d’accepter les limites du corps : tant qu’il y a la volonté intellectuelle, tout est possible. Et pourtant le ressenti, l’émotion, l’angoisse, la souffrance, le plaisir touchent au corps ; le corps est aussi un terrain d’expérience et la danse le fascine, comme la poésie et sa sonorité, ce qui ne se dit pas et se suggère, l’intime du poète Pessõa, et les expériences d’Henri Michaud.

Un souvenir de Premiers Plans ? L’intensité du début de séance, avant pendant et juste après la bande d’annonce. On sent le public dans la salle, le réalisateur est touché ; c’est un moment de partage, une montée d’émotion et cette sensation d’y être pour quelque chose, « ce que je fais a du sens ». C’est le festival, un lieu d’excès, de fête, le plein de vie.

L'équipe du festival 2012 ©Sébastien Aubinaud

Thibaut Bracq anime le forum des réalisateurs 2016 ©Sandrine Jousseaume


Dominique Fraboulet