Un film ça vous marque, ça peut bouleverser votre vie

©Sandrine Jousseaume

Claude-Eric Poiroux
créateur et délégué général de Premiers Plans


Claude-Eric Poiroux termine son entretien par « dans le cinéma, il n’y a pas mort d’homme. Et pourtant enfant, il se demandait si on mourait vraiment dans le film quand on recevait un coup de revolver.

Son aventure de cinéma l’a conduit d’Angers à Alger pour y faire son service militaire où la peste l’a rattrapé et fait qualifié de déserteur alors qu’il était rapatrié mourant à Paris. Aujourd’hui encore Télérama écrit « Claude-Eric Poiroux le pestiféré » !

Il est un étudiant fantôme mais hyperactif toujours occupé à autre chose, enseignant pour payer ses études, animateur de ciné-club, bénévole à la Maison de la Culture. Pour la passion du cinéma il rachète une salle en perte de vitesse « Le Club » où il invite Duras, Chabrol, Arielle Dombasle… et cinq ans plus tard il fait les « 400 coups » dans un hangar désaffecté du centre-ville.

Un moment il tente de rentrer à l’IDHEC mais un acte manqué le fait recaler, occasion de se rendre compte qu’il n’est pas fait pour ça, qu’il ne sera jamais Orson Welles. « Vous n’êtes pas un artiste ! » le blaguera d’ailleurs son amie Jeanne Moreau quelques années plus tard. Dans ce métier il y a beaucoup d’imposteurs et il n’en est pas un. Il décide alors d’être de l’autre côté, à côté des artistes pour leur donner du travail, découvrir, produire, et distribuer. Il préfère ouvrir les portes à des jeunes gens ni manipulés ni manipulateurs, les faire émerger, leur donner leur chance. Voir et faire voir, il est un acteur dans la vie concrète, du côté du « cinéma utile qui aide à vivre et à rêver » comme il l’a dit en ouverture de la 30è édition.

« Un film ça vous marque, ça peut vous bouleverser, vous cueillir et ça peut vous changer la vie » dit-il. Comme pour lui à 15 ans, la rencontre avec un enseignant, habité par le cinéma ; la voix fiévreuse de Serge Reggiani a décidé de l’orientation de sa vie. « Grâce à cette voix enregistrée par ce professeur lors d’une avant-première, un autre monde s’ouvre et entre en vous ».

Trois films l’ont d’abord marqué : Le Doulos où Belmondo porte le chapeau, film interdit aux moins de 16 ans qu’il a vu en se glissant par la porte de sortie ! Spartacus et La Vengeance aux deux visages le seul film réalisé par Marlon Brando. Et… La guerre de Troie , peplum qui lui a permis de briller devant professeur et élèves en citant Créuse, la femme d’Enée, surtout bien incarnée à l’écran ! Eh oui, le cinéma apprend des choses que les autres ne savent pas.

                                                                                                                                                                    
                                                  
                                                                         Le Doulos

Claude-Eric Poiroux prépare le festival 1991
© Jean-Baptiste Campion



                                                                                               Spartacus

 La Guerre de Troie

A son tour il aime transmettre et faire apprendre le métier à des gamins, et crée Premiers Plans : il les initie à la première fois, au premier film, au premier plan.

C’est un bon plan ce pari sur la jeunesse. Chaque année on a vingt ans avec Premiers Plans, histoire de ne jamais vieillir, toujours découvrir et toujours durer.

Claude-Eric Poiroux a la tête près des étoiles et les pieds ancrés dans la terre des paysans.

Merci pour ces trente années de premiers films. « Le spectateur arrive vierge, mais prêt à tout» dit-il, « la révélation peut être totale, aveuglante ». Un premier plan, une première fois, ça ne s’oublie pas…

Claude-Eric Poiroux et Jeanne Moreau aux Ateliers d'Angers 2010
© Nathalie Guihard

Dominique Fraboulet