Premiers Plans au cœur du travail avec mes élèves


© Dominique Fraboulet

Anne Loiseau 
enseignante de cinéma-audiovisuel au lycée Auguste et Jean Renoir, 
membre du comité pédagogique et membre du conseil d’administration du festival

« Un film m’a traumatisée enfant, film vu avec ma tante : Bambi, de Walt Disney, la mère qui meurt. 

Puis tous les mercredis, au collège, c’était le ciné-club chez mon amie Bénédikte : La Mariée était en noir, La Nuit du chasseur, films qui ne me parlaient pas mais que je regardais, fascinée par leur étrangeté. Plus tard Desplechin, Contes de Noël, Rois et Reine.

Beaucoup plus tard, un film m’a terrassée The Host de Bong Joon-Ho, le monstre qui dévore la petite fille et le père qui ne peut rien faire ».




The Host


Anne Loiseau est agrégée de lettres modernes et a fait un mémoire de maîtrise sur Alexandre Dumas, la question de l’identité du personnage de Monte-Cristo, l’écriture « en images » de Dumas. Comment la littérature se joint à l’imaginaire et à l’image, c’est en partie ce qui l’a aidée à avancer étant petite. Voir ce que les cinéastes ou les écrivains voient, leur manière de percevoir le monde nous aide à nous projeter ; ça ouvre des possibilités à l’enfant en difficulté. 

Et quand on aime transmettre, pourquoi ne pas le faire avec l’image, travailler le français avec la puissance de l’image qui va bien au-delà de l’écrit, surtout pour les enfants d’aujourd’hui. Et quand on s’adresse à des lycéens littéraires, sensibles, parfois en difficulté, le cinéma cadre, oblige à savoir ce qu’on est, les fait avancer à des niveaux qui parfois nous échappent. « Je ne leur vends pas du rêve, je les accompagne à trouver la place de l’image dans leur vie ». 

Mais attention dans la transmission par le cinéma, on ne sait jamais ce qu’il peut provoquer ; le cinéma a un effet de fascination par l’image mais aussi par le son, « le son qui est l’inconscient du film ». Ce qui n’est pas visible, le bruitage, le son mal identifié provoque le malaise et l’angoisse ; Le cinéma impacte le corps. On ne peut laisser des élèves démunis devant un objet aussi massif. Inversement, le cinéma peut aider en donnant du sens, sans l’enfermer, sans plaquer des interprétations. Le cinéma aurait-il rapport avec une psychanalyse ? 

Premiers Plans : c’est le cœur du travail avec les élèves qu’elle a au lycée Auguste et Jean Renoir en section cinéma ; travail qui les oblige, non sans difficultés, à faire ensemble, se parler et porter un projet collectif. L’expérience du film vu en salle introduit un moment de rupture par rapport à l’espace et au temps dont ils disposent habituellement, les obligent à se déplacer, à laisser le téléphone portable pour prendre un temps pour soi, avec les autres. Vivre d’une façon intense des choses qui les raptent avec leur propre regard, qui compte aussi pour les autres. Pouvoir mettre des mots dessus. Car le cinéma est un espace de réflexion qui fait retour sur chacun et ouvre à l’Autre dans sa diversité, sa différence, sans a priori, sans jugement tout fait. Le cinéma est une rencontre, une rencontre avec soi mais aussi avec les autres, et avec ce qu’on est pour l’Autre. 

Un souvenir de Premiers Plans : le plan final du film islandais Hearstone grand prix du jury 2017 : « ce poisson qui semble mort et qui repart, c’est hallucinant, cette énergie vivace, la pulsion de vie qui prend le pas sur la pulsion de mort. Écrit ce ne serait pas pareil ».


La Mariée était en noir

         
La Nuit du chasseur

                                                                         Conte de Noël

Dominique Fraboulet