Je suis le pianiste dans le film muet pour ajouter l’émotion


©Sandrine Jousseaume


Bernard Reeves
interprète du festival Premiers Plans


Enfant, tous les vendredi soirs il regardait un film muet, comédie burlesque comme celle où on voit Harold Lloyd suspendu à une horloge au-dessus de la rue. Il aimait ces films muets où tout est montré sans explication. 

Une à deux fois par an aller au cinéma voir un Disney en salle en famille était une vraie sortie, un événement. Il se souvient des morts horribles des parents mais aussi du rai de lumière du projecteur qui transmettait l’image dans le petit cinéma enfumé de sa Cornouaille natale. 

Un autre film l’a marqué dont il n’a vu que l’affiche Orange mécanique : l‘œil, le regard.

affiche orange mécanique
Pour lui, le cinéma c’est l’image, le regard. La parole ne vient qu’en complément, comme le piano dans le film muet pour rajouter l’émotion. 

Anglais d’origine, d’un père francophile, il est venu en France pour enseigner l’anglais puis s’est orienté très vite vers l’interprétariat. 

Interpréter, c’est un don. Ce n’est pas seulement traduire la langue de l’autre ; c’est laisser entendre quelque chose au-delà des mots, rendre visible ce que l’autre pense avec le moins d’écran possible, au plus près du signifié. Il faut aussi capter les petits signaux, interpréter l’étincelle qui existe. Interpréter, c’est réduire sa propre subjectivité, mais c’est y mettre du corps, son corps avec le geste et l’intonation qui donnent du sens ; c’est de la musique comme le pianiste dans le film muet, c’est mettre du sens et de l’émotion avec la musique de la langue. 

Interpréter c’est porter la parole de l’autre et la transformer vers celui qui écoute, faire son propre montage, sa projection entre deux langues, entre l’oreille et la bouche comme le rai de lumière entre le projecteur et l’image. Interpréter, c’est être un passeur. 

Un souvenir de Premiers Plans : la gentillesse de John Boorman et sa générosité à répondre à toutes les questions. « Il s’était souvenu d’un petit détail personnel que je lui avait confié et qu’il m’a rappelé à une autre occasion ». Il est important de bien s’accorder pour bien traduire. 

Rencontre avec John Boorman au festival Premiers Plans 2013
©Sébastien Aubinaud
Bernard Reeves traduit une rencontre avec Ruben Östlund
au festival Premiers Plans 2015
©Sandrine Jousseaume


Hanging on Clock de Harold Lloyd



The Kid de Charlie Chaplin



Dominique fraboulet