Savoir y faire avec le Réel
photo Nathalie Guihard
Lawrence Valin
« Le cinéma, c’est un métier pour les riches et les blancs. Donc ce n’est pas pour moi. »
Lawrence Valin, fils d’immigrés
Tamouls s’inscrit alors dans un BTS de management. Des cours de théâtre y sont
proposés. C’est le déclic, il est rattrapé par sa passion du cinéma. 0,5% de
chance de réussite, c’est bien peu mais pour lui cela veut dire « c’est
possible ». « L’indien de service » comme il se définit lui-même
qui aurait aimé ressembler à Vincent Cassel, s’inscrit dans une école de
théâtre à Paris et commence une carrière de cinéma. Tout d’abord dans « Le
beau Monde » de Julie Lopes Curval « parce qu’il était indien et
avait le profil qu’il fallait ». Mais qu’importe, il était là, il a joué
et acquis la légitimité de faire… et d’oser se tromper.
« Le cinéma, ça m’a libéré. »
C’est pour lui, une façon de se libérer des contraintes imposées par sa mère
qui voulait s’intégrer à tout prix et a élevé son fils dans la culture
française en refoulant ses origines tamouls. Elle tenait tout particulièrement
à ce qu’il parle bien le français et a investi dans ses études pour qu’il s’en
sorte. Elle lui a transmis les valeurs du travail, de l’honneur, du respect de
la parole donnée ; lui a appris à savoir attendre le cadeau désiré et à
« ne pas regarder l’assiette des autres. » « Elle était
contrainte mais l’éducation reçue m’a permis d’être là où je suis
aujourd’hui. »
Et pour lui cette contrainte
s’est transformée en liberté. Enfant, il ne se reconnaissait pas dans les films
français, mais s’évadait avec le cinéma tamoul visionné en cachette avec son
oncle. Plus tard les frustrations de « l’indien de service », le réel
de sa couleur de peau, lui ont permis de renouer avec ses origines et de porter
à l’écran la cause des Tamouls. « Maintenant je n’ai plus à me justifier,
je vais montrer des Indiens dans autre chose que des clichés." L’acteur du Beau
Monde inaccessible passe derrière la caméra avec le désir d’un cinéma politique
qui ouvre le chemin de la liberté à d’autres. « Le cinéma m’a donné une
raison d’être. »
Son premier court métrage
« Little Jaffna » sélectionné à Premiers Plans en 2018 montre
l’impact de la guerre au Skri Lanka dans la communauté Tamoul à Paris. Son
premier long métrage qu’il est venu travailler aux Ateliers d’Angers, met en
scène un jeune recrue de la DGSI chargé d’infiltrer des terroristes. Il va
découvrir une réalité plus complexe et peu à peu s’identifier à ceux qu’il doit
détruire.
Ainsi Lawrence Valin nous montre
comment le cinéma peut faire bouger le Réel qui contraint chacun.
Dominique Fraboulet
les ateliers d'Angers 2019
Photo Nathalie Guihard